Un homme navigue dans le quartier de Jangwani, à Dar-es-Salaam (Tanzanie), envahi par les eaux en mai 2015 après des pluies torrentielles. Photo : Daniel Hayduk

Cartographier une ville en mutation

Un projet de cartographie numérique aide les communautés locales de Dar-es-Salaam (Tanzanie) à faire face aux risques, rue après rue.

Une ville n’est jamais statique : elle prospère ou décline, s’étend ou s’étiole. Dar-es-Salaam, en Tanzanie, accueille chaque mois près de 35 000 nouveaux habitants. Chaque année, la région métropolitaine grossit de la taille d’une nouvelle ville moyenne. À ce rythme, d’aucuns considèrent que cette métropole africaine de 5,5 millions d’habitants pourrait, dans une quinzaine d’année, devenir une véritable mégalopole.

Suivre cette croissance et les changements qui en découlent n’est pas chose aisée. Tel est l’objectif du projet Dar Ramani Huria («carte ouverte de Dar» en kiswahili). Ce projet de cartographie communautaire, lancé voici quatre ans, réunit des équipes d’étudiants de l’université locale et des membres de la collectivité afin de créer un atlas très détaillé, qui est utilisé par les responsables du gouvernement et les habitants afin d’améliorer la préparation et les interventions en cas de catastrophe.

Les équipes locales parcourent les rues, les allées et les berges des cours d’eau, munis de téléphones mobiles à partir desquels ils transmettent les coordonnées GPS d’éléments qui constituent des risques ou qui pourraient être utiles dans une situation d’urgence, et qui sont intégrés à la carte. Ici, les catastrophes urbaines les plus courantes sont les inondations, qui frappent à chaque saison des pluies ou presque, et qui ont fait plus de 40 morts en 2011 et encore plus d’une dizaine en 2014.

«La carte nous a été extrêmement utile», explique un volontaire de la Croix-Rouge qui habite Kigogo, un quartier de Dar-es-Salaam défavorisé et exposé aux inondations. «Elle nous aide à trouver des moyens de venir en aide aux victimes des inondations, et aussi à connaître les endroits sûrs, où elles peuvent se réinstaller temporairement. Les cartes peuvent aussi aider les gens à localiser des lieux tels que les hôpitaux et les écoles.»

Aujourd’hui, on peut trouver sur le site Web du projet (ramanihuria.org) des cartes en couleur très détaillées de 21 arrondissements de la ville. Nyambiri Kimacha, conseillère de la Croix-Rouge nationale de Tanzanie, explique que le projet est remarquable en ceci qu’il est réalisé par les personnes qui connaissent le mieux les quartiers et qui s’en soucient le plus. «En plus, ajoute-t-elle, ils peuvent consulter la carte sur leur smartphone et l’utiliser pour signaler des problèmes que nous pouvons ensuite chercher à résoudre.»

Les cartes ont aussi été utilisées comme outils de planification et de développement urbain. Mussa Natty, urbaniste et membre du conseil municipal, en convient : «Non seulement elles aident les gens à s’orienter lorsque se produit une catastrophe, mais elles sont aussi utiles pour prendre des mesures de réduction des risques, comme la construction de systèmes de drainage. Les cartes nous permettent d’éviter des dangers car on y voit précisément les zones dans lesquelles on ne doit pas construire.»

«Nous avions vraiment besoin d’un tel outil, ajoute-t-il — et depuis longtemps.»

Toujours à jour

De fait, les cartes d’hier (avant Ramani Huria) étaient terriblement obsolètes, explique Mark Iliffe, responsable de projet pour la Banque mondiale, qui soutient le projet, avec la Croix-Rouge américaine et d’autres partenaires. «Avant Ramani Huria, les cartes officielles dataient de 1994, quand Dar-es-Salaam comptait 2,5 millions d’habitants, explique-t-il. Depuis, la population a doublé. Comment un urbaniste peut-il concevoir un plan directeur pour les 15 années à venir si les cartes ne reflètent pas la réalité ?»

L’intérêt de la cartographie en ligne est que, une fois que la communauté prend elle-même le projet en main, les cartes sont constamment tenues à jour. Mark Iliffe explique que l’étape suivante consistera à faciliter l’accès aux cartes, pour que chaque quartier, chaque arrondissement et la ville tout entière puissent plus efficacement proposer des solutions. Bien que les cartes soient disponibles en ligne et se prêtent à une utilisation interactive sur un smartphone, l’accès à ces appareils et à un signal large bande n’est pas universel à Dar-es-Salaam. L’une des prochaines étapes pourrait donc consister à imprimer des milliers de cartes des quartiers en petit format pouvant être distribuées largement et régulièrement, pour rester à jour.

Les cartes ci-contre montrent le quartier de Kigogo à Dar-es-Salaam, avant et après le travail de cartographie des volontaires, dont ceux des sections locales de la Croix-Rouge nationale de Tanzanie.

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